Le témoin

Joy Sorman

Flammarion

  • Conseillé par
    16 août 2024

    Bart travaillait à Pôle Emploi, au suivi des dossiers. Après un licenciement dû à une contraction d’effectifs, ce discret employé consciencieux et loyal organise sa disparition et se terre dans une cité judiciaire où il va pouvoir observer la justice afin de savoir si elle existe vraiment, et « vérifier que la justice est juste« .
    Joy Sorman s’est immergée dans le tribunal de Paris, 17e arrondissement. Elle l’a exploré de haut en bas et a surtout assisté à de nombreuses audiences, dans différentes chambres, pour savoir et comprendre comment est rendue la justice.

    Bart loge dans un faux plafond où il sèche son linge, se lave dans les toilettes, se nourrit de gâteaux à la cafeteria. Il quitte pas le palais. Lui qu’on a effacé des effectifs de Pôle emploi s’exclut, se fait clandestin, « dans l’immobilité du palais de justice, Bart s’est emmuré« .
    Il assiste aux audiences dans diverses chambres, « la 10e – pénal général après instruction« , « la 16e chambre – infractions liées au terrorisme« , « la 15e, mineurs et affaires familiales« , « la 23e chambre : comparutions immédiates »… Il observe les personnes, juges et prévenus, écoute les accusations et les plaidoiries des avocats, les réquisitions de l’avocat général. Il s’étonne que chaque jugement se termine de la même façon, l’accusé est jugé coupable et condamné. Il voit des prévenus « qui n’ont pas les codes« , qui ne parlent pas la langue des juges, « des juges appliquer la loi plutôt que rendre la justice, (…) des juges sourds au sentiment de justice« . « Si les juges écoutaient leurs sentiments, on les verrait blêmes et tremblants au moment de prononcer la sentence, devenue incertaine, faillible« . Il relève la plaidoirie d’une avocate qui affirme que la peine est « une folie qui asservit la justice à la prison, en fait sa subordonnée, contrainte de justifier et de couvrir les années d’incarcération » comme s’il n’y avait pas de peines alternatives.

    Peu à peu, Bart cesse de « croire en la responsabilité individuelle« , il a le sentiment que la présence d’un accusé est « un effet de tout ce qui est arrivé, une succession d’événements délétères« , que nous sommes tous reliés dans ce qu’on nomme société, que nous sommes « tous victimes et complices, tous coupables« , des petites gens brisés par la mécanique implacable du tribunal.

    Le Bart de Joy Sorman, et elle-même, ne croit pas en la barrière qui sépare les prévenus de ceux qui les jugent et de ceux qui assistent aux audiences. Lui qui ne dit rien, qui ne fait qu’assister sans réagir révèle que la justice est injuste.