Brillant
En 1972, au cœur de la Californie hippie, un couple d’américains, un français et un norvégien - quatre jeunes et brillants étudiants de l’université de Berkeley - travaillent sur un rapport qui fera date. Celui-ci, en analysant l’évolution de la société et de la surconsommation dans un univers contraint, prédit de manière incontestable l’effondrement du monde au milieu du XXIème siècle.
« Cabane », retrace le parcours et la dérive de ces chercheurs qui, seuls au milieu de la douceur des 70’s, ont vu venir la catastrophe écologique qui menace aujourd’hui de nous emporter par le fond.
Un texte au souffle rare qui balance entre l’analyse sociétale et le thriller. Après « le voyant d’Étampes » Abel Quentin confirme un talent hors du commun pour pointer les raisons du désenchantement contemporain. On peut d'ores et déjà prendre le pari que
« Cabane » figurera en bonne place dans les prochains prix littéraires.
On the rail
Ca commence gaiement par une note enthousiasmante (et ironique hein) de l'éditeur nous mettant en garde contre certaines redondances de l'auteur (ce nouveau roman ressemblant de près à son précédent "Roman fleuve", comme un copié collé avec une fin bien plus terrible terminant "en jus de boudin" (sic)).
Nous voilà prévenue, le ton est donné d'emblée. L'histoire ainsi contée promet d'être aventureuse ! Ça badine déjà et ce n'est pas pour nous déplaire !
Cette fois-ci le narrateur s'intéresse aux hobos références à l'appui de Jack London, Jim Tully à Ted Conover. Qu'à cela ne tienne le voilà décidé, affublé de son comparse Simon un Breton de belle facture et fier de l'être, de partir tel un hobo sans bagage et clandestinement à bord de trains de marchandises pris à la volée.
Les élucubrations de notre narrateur sont toujours aussi sympathiques et érudites, les situations plaisantes. On se laisse gentiment porter par la prose bien sentie de Philibert Humm et vogue la galère !
Fronde et résistance
Iran, 2006. Zahra naît 3 semaines après terme, serait-ce le signe avant-coureur d'un tempérament frondeur ? Sa mère la nommera alors Bad-jens (au sens d'effrontée en persan) comme pour appuyer cette différence et anticiper ce tempérament impétueux, cet esprit de résistance dont elle fera preuve.
Méprisée et mise au ban par son père dès la naissance, elle n'aura de cesse de combattre ce patriarcat redoutable et liberticide. Avec l'aide précieuse et discrète de sa mère, elle s'émancipera progressivement et non sans heurts…
Un portrait enflammé et bouleversant d'une jeune femme avide d'égalité et de liberté dans un pays où la charia régente tout, opprime et condamne.
Un style alerte et percutant, le monologue de Zahra/Badjens sonne juste et durement, un roman d'une célérité vitale comme un hommage vibrant à une génération éprise de Liberté.
Marie Vingtras revient en force et tout en finesse dans ce deuxième roman dont l'action se situe aux États-Unis, dans une petite bourgade dénommée Mercy.
Ironie du sort ou simple hasard, ce nom-là résonne étrangement tant cet endroit appelle d'emblée (et à tort peut-être…) à une certaine mansuétude. De fait, une triste affaire vient assombrir l'horizon : Leo, jeune fille native du coin est retrouvée morte noyée au milieu d'iris sauvages. Ce détail n'est en rien anodin tant il pose le décor. Trouble et fantastique à l'image d'une peinture préraphaélite.
La shérif Lauren Hobler est la première à dévoiler ses impressions et le déroulé de cette enquête si particulière. Surviennent ensuite les impressions des autres protagonistes, clés de l'histoire. A chaque saison, une voix. Celle du coupable idéal, le professeur ténébreux au passé trouble, puis celle d'Emmy, la meilleure amie de la défunte, jeune fille retors ainsi que le père de Leo, être brisé et falot.
A l'instar de "Blizzard", on retrouve le goût de l'autrice pour le roman choral. Et c'est une réussite tant Marie Vingtras excelle à dévoiler les arcanes les plus sombres et les plus viles de l'âme humaine. Ici la touche est plus ample, le style moins épuré et le déroulé bien plus féroce.
"Les âmes féroces" un roman hautement symbolique qui vous agrippe et vous hypnotise jusqu'à son point final...pathétique et redoutable.
Sombre et déchirant
Deux sœurs jumelles, Arc et Daffy, unies à la vie, à la mort. Deux sœurs qui, malgré leur désir de s'en défaire, seront rattrapées par la fatalité. Un fatalisme insidieux et perfide, les avilissant, les asservissant, les écrasant d'une violence crasse et morbide.
Une mère perdue dans les méandres tortueux de la drogue, une tante tout aussi atteinte, amassant inlassablement et avec méticulosité des petites brindilles chaque jour qui passe... comme un compte à rebours des heures, des mois, des années peut-être, la séparant de la mort.
Seul rempart à ce désespoir : leur grand-mère, "mamie Milkweed", femme forte et habitée, qui veille sur elles, leur inculquant son savoir et ses croyances ancestrales. Leur insuffler suffisamment de force et de résistance pour rêver d'un avenir plus serein... La face inversée du côté sauvage. Celui qui leur permettra de s'élever et de vivre loin de ses "johns" veules et concupiscents. Arc et Daffy survivront ainsi tant bien que mal, ballottées entre noirceur et clarté. L'amitié les unissant avec d'autres femmes, elles aussi, pointées du doigt et honnis, sera leur moment de grâce, si volatile soit-il.
Comme à chaque fois chez Tiffany Mc Daniel j'ai été happée par son écriture et l'univers ainsi décrit, entre crudité et lyrisme. Le roman est sombre, terriblement sombre et insoutenable, mais il est également déchirant... et surprenant. On userait bien volontiers de l'oxymore pour le décrire tant ses deux côtés antagonistes vous bousculent, vous torpillent et vous étreignent. Remarquable Tifffany Mc Daniel !