Nage libre

Nicola Keegan

Éditions de L'Olivier

  • Conseillé par
    24 septembre 2010

    C'est un peu un OVNI ce roman et j'avoue que je ne m'attendais pas à cela. Le style m'a un peu fait pensé à Le Remède et le Poison, sans doute dans cette façon de mêler le grave et le léger. Il lui en arrive des malheurs à notre narratrice, une narratrice qui, symboliquement, n'a pas vraiment de prénom.

    Son prénom de naissance, un peu long, n'est utilisé par personne et elle n'aime pas le sobriquet qui va pourtant lui coller à la peau pendant ses années de compétition. Comme Le Remède et le Poison, j'ai trouvé ce roman plus triste que drôle, et même vraiment plombant parfois. Je me suis davantage attachée à la narratrice adulte mais pour le reste, j'ai eu du mal à aimer ce livre envahi par le thème du deuil qu'on n'arrive pas à faire, mais saupoudré de légèreté. Que Nicola Keegan ait du talent, c'est indéniable. Ce roman-là n'était tout simplement pas pour moi.


  • Conseillé par
    17 août 2010

    un livre qui sent le chlore !

    Lire ce roman au moment où les championnats d'Europe de natation battent leur plein permet de regarder autrement ces athlètes qui fendent les ondes...

    Mes filles ont des gènes de dauphins et fréquentent assidûment la piscine. Quant à moi, mon maillot prend tranquillement la poussière au fond d'un placard, l'eau étant trop "mouillée" à mon goût !

    Cette aversion pour l'élément liquide chloré ne m'a pas empêchée d'adorer ce livre et son héroïne Philoména : 1m90, des pieds d'extraterrestre et des battoirs en guise de mains.

    Elle va devenir la fierté de l'Amérique et de son Kansas natal en décrochant pas moins de huit médailles d'or aux Jeux Olympiques de Barcelone ! Sous contrat publicitaire avec Speedo, elle va incarner la jeune fille bien dans sa peau, dont tout parent serait fier. Nicola Keegan aurait pu écrire un roman parfaitement ennuyeux sur le parcours exemplaire d'une athlète de haut niveau. Il n'en est rien, elle nous permet d'accéder à l'envers du décor, décrit les rouages de l'implacable machine à gagner mise en place autour des adolescents prometteurs : coach divers et variés, nutritionnistes, psychologue, gourous. Elle raconte l'existence de ces futures étoiles des bassins et c'est passionnant !

    Plus passionnant encore, l'auteur nous révèle les motivations de ces champions, ce petit quelque chose qui les distingue des autres. Pour Philoména, ce n'est pas tant son physique hors-norme que les décès prématurés de sa soeur aînée et de son père. Nager, c'est le moyen pour elle de surmonter ce double traumatisme. Chacun sa méthode, sa mère trouve refuge dans son lit, Roxanne, une de ses soeurs, dans la drogue.

    Au début du roman, l'auteur nous décrit les premiers mois de Philoména, un bébé hyperactif, qui ne s'apaise que dans l'eau. Elle nous permet aussi de faire connaissance avec Léonard, le père, grand spécialiste des chauves-souris et pilote émérite et de sa femme, débordée par l'énergie de son deuxième rejeton. Les années passent, Roxanne et Dot naissent, les filles fréquentent une école religieuse. La narration est drôle, juste. Le lecteur se surprend souvent à rire aux bêtises commises par Philoména et sa grande copine Lilly Cocoplat. La natation fait partie de la vie de l'héroïne mais n'occupe pas la première place. Survient alors le cancer de Bron, sa soeur aînée et son univers familial va voler en éclats. Et là, déluge lacrymal de Dame Armande qui partageait avec délice le quotidien des personnages. De cette tragédie naîtra une championne, lourd prix à payer même si au bout brille l'or olympique.

    Il s'agit du premier roman de Nicola Keegan et c'est une réussite. J'ai gardé le meilleur pour la fin. Le style est singulier, mêlant le poétique et le trivial, le réalisme et l'onirisme. Je crois qu'avec ce livre, un auteur est né, qui sera à suivre de très près dans les années à venir.

    A titre personnel, je lui décerne la médaille d'or de l'originalité dans une rentrée littéraire qui manque un peu d'éclat.



  • Conseillé par
    14 juillet 2010

    Philomena, personnage principal de ce roman et narratrice sans édulcorant, un mètre quatre-vingt dix, soixante deux kilos, ne ressemble à personne. Sauf à une nageuse de compétition, ce qu’elle est d’ailleurs, pendant un tiers de ce livre.

    Avant d’atteindre la puissance et la gloire, elle a connu une enfance saccadée et triste, oscillant sans cesse entre exubérance folle et désespoir, entre bigoterie et crise de nerfs. Deux drames dans cette famille atypique semblent lui avoir ôté toute chance de s’en sortir. Alors Philoména fuit. Dans le sport et l’effort intense qui annihile toute pensée. Pour elle, l’espoir est au bout de la ligne d’eau. Mais une fois le sommet atteint, que faire? Revenir à la vie et à son semblant de normalité? Il s’avère que pour la jeune fille, ce défi-là dépasse en difficulté toutes les épreuves des Jeux Olympiques…

    Nicola Keegan, d’origine irlandaise, a écrit un roman à contre-courant. Un roman étrange, drôle, dérangeant. De l’anti-Pancol vous dis-je! Philomena ne fait rien comme tout le monde. Cette grande chose dégingandée, qui peine parfois à s’exprimer, semble toujours aborder la vie par le mauvais versant. Gamine mal dans sa peau que ses propres parents ne comprennent pas, elle ne trouve son bien-être que dans l’eau. Peut-être parce que la piscine lui permet de voir la vie en bleu, à défaut de rose? Peut-être parce que le prisme de l’eau, déformant une réalité déjà passablement bancale, rétablit un certain équilibre? Mal aimée, négligée, passant les obstacles et les épreuves sans comprendre, Philomena a tout du coquelicot solitaire, au milieu des champs de blé. Face à une famille déglinguée, à des questionnement existentiels auxquels elle ne sait comment répondre, la compétition de haut niveau ressemble presque à une promenade de santé. Cependant, cet emplâtre n’a qu’un temps. Bientôt, ce que l’esprit de Philoména refuse d’admettre, son corps l’oblige à le faire. Commence alors pour elle, une descente dans un enfer intérieur, dans ces profondeurs qu’elle pressentait sans oser s’en approcher. Après la nage , elle va devoir apprivoiser la liberté.

    Un petit extrait qui résume bien le dilemme du personnage et le style de l’auteur : La vie m’a déjà fait connaître plusieurs de ses plus fameux jalons : fille, femme, vierge, championne olympique, recordwoman, étudiante, propriétaire d’une jeep neuve, croqueuse d’hommes. Mais aucun événement extérieur assez frappant pour provoquer un chamboulement intérieur. Je suis restée la même : grande, contrariée, en manque d’amour, et solitaire, d’une manière qui reste inexpliquée malgré toutes mes tentatives d’y voir plus clair.