Indétectable, roman

Jean-Noël Pancrazi

Gallimard

  • Conseillé par
    20 mai 2014

    La douleur des invisibles

    Il s’est fait arrêter une veille de 14 juillet. Un simple contrôle d’identité dans une station de métro à Paris, peu avant minuit. Mady, un sans-papiers malien, était arrivé en France dix ans plus tôt, dans l’espoir d’y construire une vie. Dix ans, c’est long. Assez pour tomber amoureux, avoir un fils, connaître des gens, travailler, parler sans fin avec un ami écrivain. Dix ans, c’est d’autant plus long quand tout ce qu’on entreprend rate, quand mois après mois la précarité pèse, la peur d’être expulsé augmente. Jean-Noël Pancrazi connaissait Mady, l’hébergeait parfois, l’écoutait souvent. Mady lui parlait de son petit garçon pour lequel il échafaudait mille rêves, de la femme de sa vie, la belle Mariama, qu’il ne savait comment aimer. Mady laissait souvent des affaires chez Pancrazi, peut-être parce qu’il était son seul repère dans une ville qui l’a finalement rejeté. Lorsque Mady a été reconduit à la frontière, Pancrazi n’a rien pu faire pour lui venir en aide. Alors, aujourd’hui, il raconte. Pour donner une voix à l’invisible, l’ « indétectable », comme Mady aimait lui-même se définir.

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  • Conseillé par
    15 mai 2014

    Mady T. un jeune Malien est un sans-papiers. Dix années passées sur le territoire français avec l'attente du sésame qui rendrait sa présence légale. Dix années à dormir dans le foyer du Père-Lachaise avec ses frères, les petits boulots pour expédier de l'argent à la famille au pays et acheter des cadeaux à Mariama celle qu'il aime, la mère de son fils qui habite aussi à Paris. Mais surtout faire comme si de rien n'était et se rendre indétectable quand il croise des policiers.

    Non seulement, Jean-Noël Pancrazi a connu Mady mais il a été plus loin en se rendant coupable d'un acte répréhensible en l'hébergeant. Il a l'aidé dans le dédale des démarches administratives et a essayé d'apprendre à écrire à celui qui l'appelait "le toubab". Mais il aura fallu d'un 13 juillet pour que tout change. Mady est arrêté et conduit au centre de rétention de Roissy. Un lieu où l'on espère ne pas voir son nom sur la liste de ceux qui partiront (un retour en pays en charter sans cadeaux pour la famille) et pourtant le nom de Mady sera affiché sur la liste.

    Et Jean-Noël Pancrazi raconte. Il raconte les combines de ceux que sont appelés clandestins, les mensonges pour avoir une chance, les petits trafics mais aussi la solidarité ébréchée entre eux. L'espoir qui habitait Mady et ces vies "souterraines" dans Paris.

    Aucun pathos mais de la dignité pour rendre visible l'existence de Mady. Une écriture sublime où la colère se réveille et où l'auteur sait également avec humilité ne pas se donner le beau rôle. Un récit juste qui m'a beaucoup touchée!


  • 6 avril 2014

    Jean-Noël Pancrazi raconte la vie de Mady qui se hisse au-dessus de sa vie de sans papiers, sans avenir dont les cauris (les coquillages qui lui prédisent sa destinée) ne lisent plus que le silence.

    Les longues phrases de l'auteur disent le vide de la vie de Mady. Jean-Noël Pancrazi érige un temple des mots pour ce sage qui ne s'abaisse jamais, élégant dans sa veste de velours noir.

    Mady l'égaré, le mouillé, l'isolé, l'humilié jusqu'au coeur depuis le vol de Bamako en 2001. Depuis de nombreuses années, Mady s'habitue à l'ombre, à l'odeur de soute, de détresse et de demi-sommeil. Il n'a pas de sursis même pour rêver.

    Arrêté, il sera conduit au centre la Zapi, où chaque chambre ressemble à des compartiments de train où l'on ne tient pas tant que ça à garder sa place.

    L'amour pour Mariama est un laissez-passer, unique possibilité pour lui d'occuper le temps, d'oublier sa détresse et ses frères de galère.

    Il trouve un temps le refuge chez le narrateur, toubab révolté.

    Emue par le texte de Mazzantini La Mer, le matin, j'ai retrouvé cette même émotion, profonde, en refermant Indétectable. Un très beau texte sur les espérances brisées de ces clandestins du monde.

    Indétectable, mot préféré de Mady, synonyme du mot vie, lui qui aspire à la dignité et à la densité humaines.

    Editions Gallimard, Blanche , Février 2014.